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Orgues Nouvelles

Avec son tirage à plus de 2000 exemplaires et sa diffusion dans plus de 35 pays, Orgues Nouvelles est devenu la plus importante revue francophone consacrée à l'orgue. Cette revue touche, non seulement le « monde de l’orgue », mais aussi les musiciens, interprètes ou compositeurs, les responsables culturels et cultuels, avec l’ambition de redonner à cet instrument  au patrimoine emblématique, sa place dans la culture de notre pays et plus largement  dans celle de toute l’Europe.

Simon Prunet-Foch a intégré l'équipe de rédaction de la revue en 2018.

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"Tu es organiste ? qu'est-ce que tu organises ?"

Les réactions habituelles des personnes qui rencontrent un organiste professionnel pour la première fois sont les suivantes : « Musicien ! C’est génial !», première réaction fréquente (bonne nouvelle pour nous), « mais que fais-tu exactement ? », deuxième réaction à laquelle notre sourire se pince,  « Mais quel est ton vrai métier ? », le sourire commence à laisser place à l’exaspération, « Organiste ! Qu’est-ce que tu organises ? (sic) », le sourire revient pour une autre raison, « Mais, à part la messe le dimanche ? », etc.

Connaissez-vous cette situation ?

Quand on me demande ce que je fais dans la vie, je suis parfois tenté de raconter un mensonge grotesque : « astronaute », « ingénieur-architecte », « archéologue », « explorateur », « humoriste », etc. Ne voyez pas dans ces réponses une forme de mépris envers la personne qui ne cherche qu’à être attentionnée et curieuse, ce n’est aucunement le cas. Peut-être parfois, je l’avoue, j’aimerais éviter les questions habituelles qui s’ensuivent et préfèrerais y couper court par un métier plus compréhensible. Ces métiers m’auraient aussi passionné, mais j’en ai choisi un autre, je suis organiste,… mais pas seulement !

Ingénieur-architecte, je le suis, car le rythme de travail des études musicales s’apparente parfois à un rythme de classe préparatoire, l’aspect concret rendant la chose plus simple ! Et lorsque nous devons nous approprier une polyphonie à 6 voix, essayer de superposer des rythmes improbables, tenter d’écouter d’en bas ce que nous jouons en haut, contrôler avec précision l’attaque et le relevé de chaque note,… notre cerveau n’est-il pas en train de bouillir autant que celui d’un ingénieur remettant en cause la relativité ? Ne sommes-nous pas des architectes parcourant le plan de la partition avec méthode, sous tous les angles possibles et imaginables, pour tenter de la comprendre mieux, de la maîtriser parfaitement afin d’en construire notre propre version ?

Archéologue, je le suis, comme tout musicien, cherchant sans cesse à se documenter sur le contexte historique des pièces pour en comprendre les enjeux et influences. Cet espoir de parvenir à une interprétation toujours plus fidèle à tout ce qui est contenu dans la musique est une des grandes motivations de cette démarche. Nous nous rêvons maître à danser du Roy de France, nous prenons pour un rhétoricien en pleine prédication, jouons l’acteur italien qui en rajoute à son drame en exagérant sans cesse…

Explorateur, je le suis. La plupart d’entre nous grandissons principalement entre la France l’Allemagne et l’Italie. Mais ma maturité  musicale s’est aussi construite par un élargissement des frontières, à la découverte de répertoires et surtout d’instruments. Un organiste peut voyager jusqu’en Sibérie (cf. ON 20), en Amérique Latine (cf. ON 13) et même en Afrique grâce à Jean-Louis Florentz (cf. ON 24). J’ai cherché récemment en Thaïlande et au Cambodge en vain : il paraît qu’il faut pousser jusqu’à Las Piñas aux Philippines ! (cf. ON 8)

Astronaute, je le suis. Oui, il me prend à contempler le Clair de Lune (Louis Vierne), à voyager dans l’espace au gré d’une Sonatine pour les étoiles (Valéry Aubertin). J’ai même eu parfois l’impression que le temps s’était arrêté dans un Intermezzo (Jehan Alain), la personne fermant le conservatoire était venue me ramener à la réalité. Vous me prenez pour un rêveur ? Mais je vous rappelle que certains sont vraiment astronautes et organistes ! (cf. ON 26)

 

Humoriste, enfin, je le suis. Je crois même que tous les musiciens le sont par le choix d’un tel métier, insensé aux yeux des travailleurs « normaux ». Soyez honnêtes : vous a-t-on comme moi déjà ri au nez lorsque vous avez dit que vous étiez organiste ? J’ai compris un jour pourquoi le choix d’un tel métier avait quelque chose d’incompréhensible pour le commun des mortels. Une personne « normale » conçoit ses besoins et attentes professionnels dans un certain ordre ; cet ordre a même été théorisé par Maslow qui les a classés dans une pyramide : les besoins physiologiques humains étant placés à la base, comme essentiels, et le sommet étant l’accomplissement personnel dans son métier, chose plus rare qui n’est pas non plus indispensable. J’ai remarqué que l’artiste-musicien envisageait son métier exactement dans le sens inverse de la pyramide, et nous nous étonnons de faire rire !

Tous ces curieux sont donc dans le vrai par leur première réaction : le métier d’organiste est « génial ». La diversité des activités qu’il contient (interprétation, pédagogie, musicologie, liturgie, organisation de concerts etc.), la variété des instruments ou encore l’étendue du répertoire, ont quelque chose de très motivant, qui permet selon moi, à la passion de s’auto-entretenir.

Qui pourrait ne pas s’intéresser à un tel instrument ? Sans forcément vouloir en jouer ou avoir la petite folie d’en faire son métier, mais simplement pour l’apprécier ? J’ai eu souvent l’impression qu’il n’était pas difficile de conquérir tous les publics, à commencer par nos autres collègues-musiciens, dont beaucoup ne connaissent pas l’orgue.

Alors, trouvons la force en toute circonstance de parler de tous les métiers que nous pratiquons, les organistes sont pleins de ressources, il faut que cela se sache !

Simon Prunet-Foch, le 31 janvier 2015 - Article paru dans Orgues Nouvelles n°29

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